La série de l’été 2015 : La note de la NSA sur l’Eurogroupe [fiction]

Crédits : John Thys/AFP/Getty Images. Michel fait son rebelle.

Crédits : John Thys/AFP/Getty Images. Michel fait son rebelle.

Le blog Démosthène 2012 est – à l’aide de procédés que nous ne dévoilerons pas car ils sont dignes de la mafia marseillaise à l’ère Gaston Defferre – parvenu à obtenir une note ultraconfidentielle d’un employé de la NSA sur le déroulement minute par minute du sommet de la dernière chance pour la Grèce du dimanche 12 Juillet 2015. Nous vous avons sélectionné les meilleurs extraits pour comprendre ce qui s’est réellement passé lors de cette réunion cruciale de l’Eurogroupe. Ce document a été classé TOP SECRET//ORCON//REL TO, ce qui signifie que ce document peut être partagé avec des partenaires de la NSA mais de manière contrôlé (voir l’explication de Libération) : merci donc d’être prudent lors de vos partages Facebook. Les informations ci-dessous ont été obtenues à l’aide de caméras et micros cachés dans le bâtiment. Des extraits vidéo et audio ont donc aussi été retrouvés, mais nous préférons les garder secrets pour que la France conserve encore un peu d’amour-propre national. Attention, cette note est susceptible de contenir des passages de germanophobie primaire et gratuite, parfaitement compréhensible, mais néanmoins condamnable, ainsi qu’une certaine partialité et des remarques subjectives un peu lestes.

16h : L’Eurogroupe commence. Les chefs d’exécutif et les ministres des finances de la zone euro s’installent autour de la table, dont Jeroen Dijsselbloem, Président de l’Eurogroupe (que nous appellerons « M. Euro » par commodité), Christine Lagarde, patronne du FMI, Mario Draghi, patron de la BCE, Donald Duck Tusk, Président du Conseil Européen, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne (comme quoi, si un jour on m’avait dit que Mario, Donald et Jean-Claude présideraient aux destinées de l’Europe …) et enfin Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l’Union Douanière, qui démontre par là-même le pouvoir encore bien réel de la France dans l’UE, puisqu’elle réussit à imposer à ce poste un homme qui pourrait faire couler Apple en six mois s’il en était PDG. Il est encore plus paradoxal de constater qu’il est le seul à s’occuper d’économie dans une réunion sur un pays en pleine crise économique. Mais business is business, debt is debt.

Pardon pour le jeu de mots

16h02 : On distribue un récapitulatif des chiffres de l’économie grecque. Jean-Claude semble avoir du mal avec les chiffres puisqu’il compte sur ses doigts. Cela pourrait expliquer les taux de taxation sur les multinationales anormalement faibles ayant cours au Luxembourg.

16h05 : A peine Alexis Tsipras a-t-il évoqué un effacement partiel de la dette que le Premier Ministre Finlandais tape du poing sur la table en disant qu’il n’est pas là pour négocier. Cette négociation s’annonce longue …

16h31 : Après avoir combattu l’ennui en louchant pour voir ses propres lunettes, François Hollande semble s’être fossilisé et avoir fusionné avec la chaise.

16h59 : Les discussions commencent à piétiner et Alexis Tsipras vient de gagner le premier point Godwin en rappelant à l’Allemagne sa dette de guerre de 39-45. Angela Merkel lui répond que c’est une honte de ramener ça sur la table alors qu’on commémore les 70 ans de l’armistice. François Hollande, qui a entendu le mot « commémoration », se réveille de son quasi-coma et a l’air plus motivé que jamais, contrairement à Alexis Tsipras qui ne sera sans doute plus jamais motivé. Dehors, il pleut dru.

17h20 : Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, semble faire régner la terreur chez ses collègues. Le Français Michel Sapin (no comment) est obligé de jeter constamment des petits coups d’œil de côté pour vérifier que le fridolin ne le regarde pas, s’il veut prendre la parole.

17h34 : François ne se sent plus et annonce qu’il fera la politique de la chaise vide si 30% de la dette grecque n’est pas effacée. Angela s’en tape les cuisses de rire tandis que son ministre est plié en deux sur sa chaise. Michel, perspicace, se penche vers François pour lui dire qu’à son avis, « Schäuble ne roule pas pour [lui] » (ce qui n’est pas du meilleur goût quand on parle d’un handicapé moteur).

17h47 : Alexis rappelle qu’il est soutenu par plus de 61% de sa population et que les exigences allemandes vont contre le peuple grec. Bizarrement, François ne développe pas le même argument – ce qui est difficile quand on a des sondages six fois moins favorable. En même temps, il dirait être contre la polygamie que les Français seraient pour (et en plus ne le croiraient pas).

18h21 : Michel, qui se sent désormais bien seul, François étant retombé dans une profonde apathie (sans doute due à la pensée des prochaines élections régionales), cherche du regard son copain grec, Euclide Tsakalotos, mais celui-ci est parti faire un baby-foot dans la salle de repos avec Yanis Varoufakis, venu à Bruxelles en soutien moral. Moscovici, dont personne n’avait remarqué le départ, arbitre. Les Grecs auraient bien demandé à Christine, mais en termes d’arbitrage, elle est un peu contestée ces temps-ci.

18h23 : Le désarroi de Michel a semé l’émoi dans la salle, qui s’indigne que le ministre grec des Finances ne se soucie pas du bien-être de ses concitoyens (parce qu’eux si, apparemment). François, qui semble revivre, lance : « Avec Euclide, on n’est pas en reste ». Cette punch line aura au moins eu le mérite d’animer le regard teuton de Wolfgang de sentiments humains (en l’occurrence l’affliction, mais quand même). Seul Michel a ri, sans doute parce qu’il est l’un des seuls à avoir compris, et aussi parce qu’il souhaite garder son poste. Christine n’a pas compris, mais venant d’une institution où on a mis quatre ans à comprendre que l’austérité nuisait à l’économie, cela n’est pas très étonnant. [Addenda : Mike de la surveillance satellitaire me fera par la suite la remarque qu’en 30 ans, les Français sont passés de Coluche à François Hollande. On peut dès lors en effet parler de pays en déclin.]

19h55 : Les Irlandais ont tenté de s’enfuir en arguant qu’ils avaient poney à 20h, mais Angela les a harponnés in extremis. Finalement, les poneys attendront. François est en train de prier devant son téléphone pour qu’il lui annonce qu’il y a des inondations dans le Var. Mais le Var est sec.

20h : Pause casse-croûte. Les fous sont lancés vers la cafétéria. Les Satanas et Diabolo d’outre-Rhin se lèvent comme un seul homme (sauf Diabolo) [Addenda : Désolé pour la blague, mais c’est Michel qu’a commencé]. Les Polonais sont obligés de plonger sur le côté pour éviter ce blitzkrieg, tandis que François, qu’on ne soupçonnait pas coureur de fond, tente de percer le blocus des Grecs qui ont pris une belle avance en partant de plus près, laissant Mosco compter les points. Les Portugais qui ont joué la voiture balai pendant toute la course, réclament le dessert des Grecs car je cite : « Quand on n’a pas remboursé sa dette, on devrait se coucher sans manger ».

L’Eurogroupe en route vers le dîner

20h48 : Les participants reviennent peu à peu à la table des négociations. Pour François, les pourparlers s’annoncent compliqués car il a mangé du chou mais n’a pas emporté son antiacide. Dans une atmosphère étouffante due à une panne de climatisation, il tente de convaincre Matteo Renzi d’être conciliant envers la Grèce. Celui-ci se tâte encore, car il a déjà donné son maximum en allant voir Angela avant la réunion pour lui dire « ça suffit ». Un déchaînement de violence devant lequel la fürherin est pourtant restée de marbre.

20h58 : Christine revient de la cafétéria sans sa portion de frites, car ces dernières furent victimes d’une razzia belge (no joke). François sent bien qu’elle a besoin d’externaliser sa colère et se fait tout petit sur sa table. Il n’échappera pourtant pas à un coup de coude bien senti dans les côtes au passage.

21h : Angela revient la dernière et n’a pas non plus eu le droit aux frites. Rouge de chaleur, François n’est plus qu’une tache de ketchup sur une table. Mais comme elle n’a pas de frites, Angela passe son chemin. La tache respire.

23h29 : Les discussions s’éternisent sans aucune avancée. Les participants ne font qu’ânonner leurs notes les uns après les autres. Quand Alexis demande pour une 24e fois un rééchelonnement de la Grèce, le ministre letton des Finances se bouche les oreilles en chantant « La la la, j’entends pas, la la la ». Alexis cherche des yeux un soutien de gauche. Son regard trois fois le tour de la table avant de croiser celui de Charles Michel (le réparateur de climatiseur, pas le Premier Ministre Belge).

01h01 : Angela est interrompue dans son speech sur la naturelle irresponsabilité paresseuse des Grecs par un agent de sécurité, qui lui indique qu’un toxicomane à talonnettes se dit prêt à remplacer François pendant les négociations. L’individu sera reconduit à la frontière sans ménagement, malgré un problème avec la Direction Centrale de la Police Aux Frontières qui ne souhaitait pas le laisser entrer en France.

02h10 : Après s’être fait interrompre dix-sept fois d’affilée par M. Euro, Pierre vient faire part à François de ses inquiétudes quant à un éventuel manque de charisme. François lui conseille de prendre des leçons auprès de Michel et demande à ce dernier de faire sa plus belle tête de colère. Mais quand Michel est en colère, on dirait qu’il fait une attaque. Donc pendant le reste de la nuit, Pierre a semblé être dans le coma alors que pas du tout – ce que personne n’a relevé, d’ailleurs.

02h53 : Le réparateur mettant autant de temps à assembler un climatiseur que la classe politique belge à former un gouvernement, François décide dans un instant de dernière lucidité d’allumer un gros cigare cubain offert par son ami, le pétulant Fidel Castro, ce qui déclenche les détecteurs de fumée et arrose la salle. Cela sauve François de l’insolation mais pas la grille de mots croisés que Jean-Claude s’évertuait à remplir depuis maintenant quatre heures. Un arc-en-ciel de toute beauté se forme entre les crânes de Michel et de Pierre.

7h : Après 3h de séchage de vêtements, la discussion fait plus que patiner. On a fermé les rideaux pour ne pas réveiller les Baltes et les Espagnols. Matteo s’amuse avec un yoyo, Mario mange un gâteau, M. Euro remplit sa fiche d’impôts, Donald se fait une manucure et Euclide regarde fixement le plafond en attendant un signe des dieux. Angela fait tranquillement sa petite liste des produits dont la TVA va augmenter en Grèce : autant que cela soit prêt quand on décidera que de toute façon, c’est l’Allemagne qui commande. Jacques Chirac étant au Maroc, François tente de grappiller de précieux conseils auprès de Valéry Giscard d’Estaing, qui de toute évidence fait semblant de ne pas entendre le téléphone. En revanche, Michel et Wolfgang semblent d’être réconciliés grâce à leur amour commun de l’Inspecteur Derrick. François ne souhaite pas se joindre à une discussion sur une série qu’il juge trop violente.

8h28 : A bouts de nerfs, les Allemands et les Finlandais vont quitter la table et laissent à Alexis une dernière demi-heure pour accepter la mise en place d’un gouvernement technocratique choisi par Berlin, sans quoi ils s’en iront en laissant la Grèce avec un défaut de paiement et un Grexit sur les bras. François, toujours soucieux de détendre l’atmosphère, sort de sa sacoche un coussin péteur quand Angela fait mine de se lever pour aller se rafraîchir. Il est arrêté par un regard qui veut dire « N’essaye même pas ». Encore une occasion ratée d’affaiblir l’hégémonie boche.

Le cerveau d’Angela après avoir posé l’ultimatum

8h30 : La commande de cafés arrive : tout le monde se sert, à part François qui boit son smoothie à la papaye préparé par Julie Gayet, et Alexis Tsipras qui ne peut se payer que de l’eau. Mais non traitée s’il-vous-plaît, on n’est pas au Carlton.

8h49 : Les serveurs se sont trompés et ont amené du décaféiné. Tout le monde s’est endormi sauf François, boosté à la vitamine C, et Alexis, boosté à la salmonellose.

8h51 : François propose un reprofilage de la dette. C’est-à-dire qu’au lieu de la regarder sous un angle négatif, il faudrait plutôt se dire que quand les Grecs n’auront plus rien, ils pourront quand même la transmettre à leurs enfants. Alexis en a marre et veut juste arrêter de jouer. François aussi, alors il écrit un nouveau texte de propositions en prenant les cinq premières pages du texte allemand et les cinq dernières du texte français.

8h57 : Le nouveau texte est soumis au vote, et adopté à l’unanimité des deux suffrages exprimés.

8h58 : François réveille la tablée en la félicitant pour l’adoption de l’accord. Les participants ne comprennent pas trop ce qu’il se passe, Merkel jette un coup d’œil à la première page et se déclare satisfaite.

9h : Les participants se lèvent de table. Pierre vient serrer la main de Jean-Claude en se réjouissant de « cet accord historique qui montre au monde à quel point l’Europe est forte quand elle est unie ».

Scipion

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