Recep Tayyip Erdogan en son palais (Reuters)
Le blog Démosthène 2012 est – à l’aide de procédés que nous ne dévoilerons pas car ils sont dignes de la mafia albanaise à l’époque d’Enver Hoxha – parvenu à obtenir une note ultraconfidentielle d’un employé de la NSA sur le déroulement d’une réunion d’un conseil restreint du gouvernement turc après le changement de politique extérieure et intérieure du pays. Recep Tayyip Erdogan a totalement modifié sa stratégie autour de la frontière turque vis-à-vis de l’EI et des forces kurdes. Depuis l’attentat de Suruç, qui a fait 32 morts à la mi-juillet, les militants kurdes accusent ouvertement le gouvernement turc de complicité avec l’EI. La guerre avec le PKK est sur le point de reprendre. Le président turc souhaite négocier avec les Etats-Unis un accord donnant-donnant : il accepte de se lancer dans un combat aérien contre l’EI, à sécuriser sa frontière et à permettre le décollage d’avions de la coalition depuis des bases turques. Tout cela à la seule condition de pouvoir combattre dans le même temps les Kurdes, pourtant alliés de la coalition anti-EI. Il craint en effet que les forces kurdes ne cherchent à imposer un Etat transnational à l’occasion de la lutte anti-djihadiste. C’est la fin, de fait, des négociations de paix en cours avec le PKK, entamées en 2012 avec le leader emprisonné du mouvement, Abdullah Ocalan. Cette attitude va-t-en-guerre est susceptible d’ouvrir un second front dans la région et de déstabiliser la fragile coalition anti-djihadiste, qui compte beaucoup sur les forces kurdes, souvent seules présentes au sol.
Selon nos informations, Recep Erdogan est heureux. “ Je suis heureux”, a-t-il d’ailleurs dit à son conseil de guerre, qui s’est tenu dans son palais le 27 juillet dernier. “J’ai toujours pensé que j’avais quelque chose de Napoléon. Je vais enfin tous les fumer”, a-t-il poursuivi.. “Ocalan va en manger sa moustache et je vais garder le pouvoir, pour le bien du pays. Rien de tel qu’une bonne guerre pour que le peuple se rassemble autour de mon gouvernement et de moi, bien sûr. Les Kurdes sont toujours là pour ça”. Ismet Yilmaz, son ministre de la Défense, a approuvé : “Rien de tel qu’une bonne petite guerre, c’est bien vrai ! Enfin, là ça en fait deux mais mais c’est encore mieux ! Bon pour notre image et on règle le problème kurde dans le même temps. On pourrait balancer des bombes sur les deux lorsqu’il y a une ligne de front : boum, on les défonce tous !” Erdogan a alors émis un doute en supposant que “les Américains ne seraient pas très contents si on bombardait l’YPG de façon trop voyante. Il faudrait faire croire à un accident”. Yilmaz renchérit : “Ce sont tous des terroristes : on tire dans le tas, c’est ce qu’il y a de mieux à faire”. Erdogan doute mais s’adresse alors à son ministre de l’Intérieur, Efkan Ala : “L’essentiel, c’est que je vais enfin pouvoir fermer facebook, twitter et compagnie. C’est magnifique ! Des nids de terroristes kurdes et djihadistes. Voilà une bonne raison ! Pas de place Gazi et de pauvres petits étudiants matraqués cette fois-ci. La sécurité nationale, la guerre, quoi ! Le PKK est tellement stupide qu’il rentre dans le jeu en flinguant nos policiers : merci, les gars. Et Obama, qu’est-ce qu’il me dit ? “D’accord Recep, vous avez gagné. On lâche les Kurdes de votre côté mais on les aide du côté syrien, on ne peut pas les laisser tomber comme ça. Encore moins en Irak, quand même, ce sont les seuls sur qui on peu compter”. Il ne connaît rien à la force et à la détermination des Turcs, Barack. Et compter sur des Kurdes, c’est comme faire confiance à une femme. D’ailleurs, il n’y a que des femmes chez les Kurdes, c’est dire. Au lieu de rester à la maison, ils les envoient se battre. Ces types sont des femmelettes. Demandez à ma femme, son cousin a épousé une Kurde. Vous savez comment ça s’est terminé ? Il est devenu féministe”. Hilarité générale dans la salle.
La réunion s’est poursuivie dans cette joyeuse ambiance de franche camaraderie. Tout le monde s’est réjoui des déclarations des puissances occidentales qui approuvent les bombardements contre les Kurdes (même si la réponse doit être “proportionnée”, prévient l’Allemagne, ce qui a beaucoup fait rire dans la salle) ou les passent sous silence- la réaction française a provoqué une salve de rires gras, puisqu’elle ne faisait allusion qu’à l’offensive anti-EI. “Ils ont besoin de nous, les lâches. On va tous les avoir et gagner sur tous les fronts”. Tout juste le ministre de l’Intérieur a-t-il risqué une question : “Mais cela n’aura-t-il aucune conséquence sur la sécurité intérieure ? Jusque là, pas d’attentat commis par l’EI en Turquie, ils nous laissaient tranquilles. Or là, ils sont à la frontière qui reste une relative passoire. Ne risque-t-on pas une vague d’attentats ? Il faut préparer l’opinion”. Erdogan refuse d’en entendre parler. “Tu rigoles ? On va faire peur aux gens au lieu d’exciter leur ferveur patriotique ? On en parlera plus tard, si ça arrive. Au pire, ça nous servira, nous serons les martyrs de la lutte contre les djihadistes. Ces Tchétchènes puants, ces Ouzbeks en loques et autres Tatars dégénérés. Il paraît qu’ils ont même des Anglais… Et puis leur Califat est complètement ridicule. La capitale du vrai califat, c’est Istanbul, tout le monde le sait. Ils prétendent que la viande turque n’est pas hallal. C’est eux qui ne sont pas hallal, ces porcelets ! Ces types de l’EI sont des lâches doublés d’idiots, ils ne sont pas patriotes et ils ont toujours besoin de nous, même si on les bombarde. Je le sais, je les connais”. Silence dans la salle. “Pas personnellement, hein, mais ils passent tous par chez nous, alors. Ils ont besoin de passer, donc ils nous laisseront tranquilles”. Les participants toussent. Le président turc semble alors penser tout haut : “Et ces ordures de gülenistes, on les bombarderait que cela règlerait tous les problèmes, non ? Mais c’est trop difficile. Il faudrait tous les rassembler dans un hangar et dire qu’ils étaient Kurdes et du PKK. On ne peut pas arranger ça ?” Les participants toussent encore. Nos capteurs indiquent que des flux d’informations sortent rapidement de la salle pourtant ultra-sécurisée, la confrérie Gülen ayant probablement un ou des membres parmi les participants au conseil restreint.
“Bon, les gars, si tout ça marche, si on se débarrasse du PKK et qu’on dégage l’EI de nos frontières, vous ne croyez pas que je pourrais devenir calife, moi aussi ? Ou alors Obama le prendrait mal, peut-etre ? Il fait trop confiance à sa femme, lui aussi. Faire confiance à des femmes, descendantes d’esclaves en plus, je trouve cela dangereux pour un président. Mais bon, je ne suis pas Américain !”. Le premier ministre, Ahmet Davutoglu, indique qu’il apprécie beaucoup Mme Obama, « pour une Américaine, évidemment, car elle est très courtoise ». M. Erdogan lui demande alors s’il ne serait pas devenu féministe « sur les bords » à force de fréquenter le « gratin cosmopolite » pendant tant d’années.
Mevlüt Cavusoglu, le ministre des Affaires Etrangères, demande alors ce qu’il doit déclarer à ses homologues. Erdogan lui répond : “Tu leur dis que nous faisons une guerre totale à Daech et que le PKK doit s’attendre à une réponse radicale de notre part après sa déclaration de guerre. C’est bien, non ? Que les Américains sont nos alliés depuis toujours et que la Turquie est de retour. Comment on dit ça, en anglais ?” Cavusoglu le lui dit et Erdogan de s’exclamer : “Yes ! Turkey is back”. Mais lorsque son ministre s’aventure à préciser que “Turkey” signifie aussi “dinde” en anglais”, Erdogan entre dans une colère noire. Il faut absolument appeler Obama pour qu’il change le nom des dindes, ce n’est pas possible. Il va mettre cela sur la table des négociations. La réunion s’achève sur quelques quintes de toux, de plus en plus faibles. Dehors, les manifestants anti-djihadistes se font gaillardement gazer, ça tape dans tous les coins. « Ça me rajeunit ! », s’exclame Recep Erdogan en sortant de la salle.
Agrippine (avec l’aide de la NSA)