Sylvestre affabule 2017

Cela devient une habitude de dire ça, mais on a connu plus sympathique année que celle qui vient de s’écouler, entre attentats, guerres, morosité économique et élections faisant insulte à l’intelligence collective de part et d’autre de l’Atlantique, sans compter la mort de Carrie Fisher, qui a semble-t-il causé plus d’émoi en Occident que la prise d’Alep par Bachar El-Assad. 2017, avec sa campagne présidentielle interminable, dont le résultat est aussi désespérant que couru d’avance, n’est a priori guère plus enthousiasmante. Dans ces conditions, pourquoi ne pas inventer notre propre année 2017 ? C’est ce que Démosthène 2012 se propose de faire ici-même.

3 Janvier : Jacques Cheminade meurt dans l’explosion de la tondeuse à propulsion atomique qui devait lui permettre de rentrer en contact avec les Zontar de Vénus, censés lui annoncer la date de la prochaine crise financière. A la suite de la nouvelle, un groupe de deux personnes saute du haut du Super U de Pont-Saint-Esprit. Aucun blessé n’est à déplorer.

15 Janvier : Echec de la mission « médiatisation » pour Jean-Luc Benhamias, car les journalistes oublient de lui poser des questions lors du premier débat de la primaire socialiste. Quand on lui demande pourquoi il n’a pas protesté sur le moment, il répond « je n’ai pas osé ». Lors des deux autres débats, il reste prostré chez lui à manger des Tuc en priant Edgar Faure.

22 Janvier : Résultats de la primaire socialiste. Arnaud Montebourg : 35% ; Manuel Valls : 30% ; Benoît Hamon : 23% ; Vincent Peillon : 10% ; François de Rugy : 1% ; Sylvia Pinel : 1% ; Jean-Luc Benhamias : 0% (ce dernier n’a pas eu le courage d’aller jusqu’à Solferino de jour pour retirer sa candidature). Le second tour s’annonce donc de très bon augure pour Arnaud Montebourg. Malheureusement, moins d’un million d’électeurs se sont déplacés, et le PS ne peut conserver tous les bureaux ouverts au premier tour sous peine de se déclarer en faillite. Il se voit donc contraint de n’ouvrir une semaine plus tard que les bureaux d’Évry. A la surprise générale, Manuel Valls l’emporte à 82%, « un score qui n’est pas sans rappeler celui de Chirac contre Le Pen », commente-t-il. Arnaud Montebourg annonce qu’il a quelques doutes quant à la régularité du processus, mais renonce à le contester après que Jean-Christophe Cambadélis a évoqué « un certaine affaire de trafic d’organes qui pourrait bien resurgir ».

30 Janvier : Alexandre Jardin finance sa campagne avec la vente de Zèbre Cola, un soda à base de vieilles barrettes à cheveux et de queues de zèbre, particulièrement peu cher à produire et qui a la particularité de rendre le buveur diabétique dès la première gorgée. Les avertissements répétés de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) ne l’empêchent pas de recevoir le prix de Produit de l’année 2017 (le Zèbre Cola, pas Alexandre Jardin). Des rumeurs propagées par UFC-Que Choisir prétendent que le Zèbre Cola serait à la base un ingrédient des pâtées pour chien Top Budget. A moins que ce ne soit l’inverse …

9 Février : Prime-time de Manuel Valls sur France 2, l’invité-surprise est Alexandre Jardin. Au terme d’un débat houleux dans lequel Jardin a qualifié à plusieurs reprises l’ancien Premier Ministre de « dizeux », ce dernier finit par le traiter « d’écrivain de caniveau ». L’écrivain de caniveau jure vengeance. Deux jours plus tard, Manuel « El Magnifico » Valls est retrouvé mort dans sa salle de bain, la tête fracassée par une brique de soupe citoyenne. En dépit de la présence avérée de velouté de légumes d’antan sur le corps, les enquêteurs concluront à un étouffement accidentel dû à une chemise anti-transpirante trop boutonnée. François Hollande se dit « passablement accablé de douleur ».

13 Février : Jean-Luc Mélenchon annonce qu’il refuse désormais d’être « le complice des médias traditionnels » et décide de consacrer toute sa communication à sa chaîne YouTube. Malgré un certain engouement au début, la transition vers le format podcast humoristique montrent la limite de l’exercice, avec des vidéos comme « Les 10 types de syndicats » et « La retraite à 65 ans, c tro cho », qui ne dépassent pas les 10.000 vues.

24 Février : Closer se fait innocemment l’écho d’une idylle exaltée entre Nathalie Arthaud et Bernard Arnault. Devant la polémique, ils sont obligés de s’exiler en Belgique pour vivre leur passion en paix, ce qui fait de Philippe Poutou le dernier candidat de gauche visible dans les médias. Ce dernier déclare notamment : « Imagine-t-on une relation entre Arlette Laguiller et Yvon Gattaz ? », avant de démentir les rumeurs d’une histoire entre lui et Liliane Bettencourt : « Je n’ai eu d’Histoire qu’avec les idées des années 20 », affirme-t-il.

27 Février : Philippe Poutou est retrouvé mort à son domicile. Les gendarmes retrouvent sur les lieux du crime des traces de Colgate blancheur super ultra bright : le lendemain, Emmanuel Macron est arrêté devant le siège de l’Oréal et crie comme un forcené devant les caméras : « Liliane, elle est à moi, rien qu’à moi ». Brigitte Macron, outragée, se retire chez les Ursulines d’Amiens, où elle écrit un livre-témoignage, Yeux bleus, cœur de pierre, qui sera adapté au théâtre par Éric-Emmanuel Schmidt, avec une mise en scène de Christine Bravo.

2 Mars : Jean Lassalle dévoile son affiche de campagne, à savoir une photo de lui avec une chemise verte et un béret basque, en train de déguster un saucisson dans une vieille caravane, ce qui lui vaudra un procès de Justin Bridou pour utilisation frauduleuse de son image de marque. Beaucoup s’interrogent sur le sens caché de cette affiche, et sur son slogan de campagne : « Au point où on en est … ». Les recherches Google « jean lassalle raptor illuminati maya » sont trois fois plus nombreuses par rapport à la même période en 2016. Le candidat centriste se lance également dans un « Tour de France des solutions », ce qui explique ses absences systématiques à toutes les émissions auxquelles il est invité. Revenu le 5 Mai à Paris, il déclare : « Au moins, ça m’a fait les mollets ».

13 Mars : La campagne est très difficile pour François Fillon, qui n’arrive pas à créer un enthousiasme pour sa candidature. Une étude américaine vient montrer que la confiance des Français en l’avenir baissait de 5 point en moyenne à chaque apparition télévisée du candidat de la droite. Ce serait du pain bénit pour François Bayrou s’il prenait une décision après quatre mois de réflexion. Une aubaine en revanche pour Alexandre Jardin qui, avec 15%, a récupéré tous les soutiens de Macron et n’est plus qu’à 10 points du Républicain.

23 Avril : Résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Marine Le Pen : 35% ; Alexandre Jardin : 23% ; François Fillon : 17% ; Jean-Luc Mélenchon : 15% ; Hugues Aufray : 3% ; Yannick Jadot : 2% ; Sylvain Durif : 2% ; Henry de Lesquen : 1% ; Nicolas Dupont-Aignan : 1% ; Jean Lassalle : 1% ; Henri Guaino : 0%. François Fillon annonce immédiatement son retrait de la vie politique. Personne ne le retient et tous ses soutiens font leur after au concert d’Hugues Aufray. Certains des plus éminents psychologues du pays affirment avoir découvert des traces d’émotion dans ce discours, mais ces résultats restent sujets à controverse. Jean-Luc Mélenchon a lui raté son pari, et ce malgré sa vidéo « Clash sur Fillon ». Il promet qu’on le reverra en 2022 et affirme que cette fois-ci, il demandera plus de pouces bleus. Lors du second tour, c’est donc Alexandre Jardin qui est élu triomphalement avec 53% des voix.

16 Mai : Investiture du Président de la République et composition du gouvernement. Alexandre Jardin décide, conformément à ses promesses, de ne nommer que des personnalités de la société civile (des « Faizeux »). En voici quelques-uns :

Ministre des Transports : Facteur d’Alexandre Jardin

Ministre de l’Intérieur : Femme de Ménage d’Alexandre Jardin

Ministre des Affaires Étrangères : Épicier d’Alexandre Jardin

Ministre de la Défense : Professeur de cardio-kickboxing d’Alexandre Jardin

Ministre des Sports : Professeur de Zumba d’Alexandre Jardin

Ministre du Numérique, porte-parole du gouvernement : Réparateur Darty d’Alexandre Jardin

Ministre des Finances : Conseiller LCL d’Alexandre Jardin

Ministre de la Santé : Proctologue d’Alexandre Jardin

Ministre de la Culture : Alexandre Jardin

Ministre de l’Éducation Nationale, ministre d’État : Alexandre Jardin

Premier Ministre : Esthéticienne d’Alexandre Jardin

1er Juin : Au faîte de sa gloire, Alexandre Jardin se rappelle qu’il y a quelque chose qui s’appelle les « élections législatives » et se dit qu’il serait bien de créer un parti à cet effet. Il fonde donc le Parti de la Citoyenneté Citoyenne (PCC) et nomme 577 « Zèbres » candidats à la députation. Une enquête de Libération montrera que 20% de ces « Zèbres » étaient en fait de vrais zèbres.

11 Juin : Résultat du premier tour des législatives. FN : 35% ; LR : 30% ; Belle Alliance Populaire : 16% ; PCC : 11% ; Union de la gauche sans le PS : 8% ; Centristes : traces. Les « Zèbres » ont donc fait pâle figure (à noter que les vrais zèbres, eux, ont fait le double de leurs camarades humains). Le PS et Les Républicains arrachent, grâce à un front républicain mi-figue mi-raisin, chacun 30% des sièges au second tour. Les Zèbres eux, emportent de justesse un groupe à l’Assemblée Nationale, en accueillant dans leur rang Jean Lassalle (la fameuse « trace »). Ils élisent à sa tête Tony, un magnifique mâle d’1m40 au garrot, député du Doubs, car il est bien connu que les francs-comtois sont parmi les plus fervents défenseurs des zèbres. Malgré un certain étonnement au début quand Nadine Morano déclare au perchoir : « La parole est à Tony », Tony se montre un des parlementaires les plus assidus et sera surtout connu pour avoir brillamment défendu la loi sur la généralisation de l’assiette de l’impôt sur le revenu.

15 Juin : Bac de Philosophie. Le sujet commun à toutes les séries est : « Peut-on pardonner à son salaud de grand-père quand celui-ci a été directeur de cabinet de Pierre Laval ? ». Les observateurs les plus malveillants feront remarquer que ce sujet est très fortement inspiré de l’ouvrage Des gens très bien écrit par Alexandre Jardin en 2011. L’après-midi, bac de Français. Les élèves de Première ont à commenter un extrait du Zèbre d’Alexandre Jardin (1988), curieuse coïncidence qui a provoqué une grande panique chez les professeurs, qui ont cru que le ministère avait confondu les sujets du bac de Français avec les évaluations d’entrée en 6e.

20 Juin : Devant nommer à la suite des élections législatives un politicien consensuel et rassembleur pour remplacer son esthéticienne, Alexandre Jardin (désormais Jaja, pour les intimes) nomme Jean Lassalle Premier Ministre, car il « apprécie sa démarche », ce à quoi l’intéressé répond étonné mais fier : « Et pourtant, j’ai les pieds plats ». De manière assez surprenante, le PS et Les Républicains votent la confiance au gouvernement, après être tombés d’accord sur le principe que « au point où on en est … », ce qui est finalement raccord avec la vision du Premier Ministre. Ils ne procèdent qu’à des modifications mineures dans la composition du gouvernement, avec des personnalités de la société civile comme Frédéric Beigbeder à la Culture, Charles Beigbeder à l’environnement, Thomas Hollande Ministre de la Justice et Jean Roucas à l’Agriculture, ministre au titre de l’ouverture.

12 Juillet : Le proctologue d’Alexandre Jardin démissionne après avoir tenté d’interdire la publication des tests dans l’affaire dite « du Diabète Cola » et pour avoir participé à la production de la boisson, notamment avec ses précédents safaris au Kenya. Pour sa défense, il expliquera qu’avec la mention « A partager », « il ne pensait pas forcément au diabète ». Alexandre Jardin affirme tout ignorer de ses agissements et se dit « choqué par la trahison d’un ami de longue date ». Le pédiatre d’Alexandre Jardin prend la relève.

5 Août : La France connaît son succès filmique de l’année avec La charité si je mens, un biopic sur l’Abbé Pierre avec Patrick Bruel dans le rôle-titre. A noter également cette année Cris et chuchotements, un long-métrage primé à Cannes sur le déchirement du couple Nicolas Sarkozy-Carla Bruni autour du lit de mort de Jacques Chirac (qui, malgré deux triples pontages coronariens, pète toujours la forme selon sa famille), ainsi que Ça roule !, un film (primé nulle part) où Christian Clavier déménage à côté d’une famille d’handicapés qu’il va apprendre à apprécier, avec Isabelle Huppert dans le rôle d’une jeune trisomique.

15 Août : Le Président de la République ne prend pas de vacances et devient le Président le plus cérémonieux de la Ve République, avec en moyenne une inauguration par jour dans les cent premiers de son quinquennat. Au menu : des écoles Alexandre Jardin, des collèges Alexandre Jardin, des lycées horticoles Alexandre Jardin, des piscines municipales Alexandre Jardin, des ronds-points Alexandre Jardin, des gares routières Alexandre Jardin, des dos-d’âne Alexandre Jardin et même des entreponts Alexandre-Jardin, ce qui fera dire au Président de la République cette phrase restée dans les annales et prononcée à l’encontre du maire de Boulogne-sur-Mer : « Vous avez un très bel entrepont ».

7 Septembre : Première rencontre Trump-Jardin à Long Island. Trump se cherche des soutiens en Europe après avoir déclaré lors de sa tournée asiatique : « Les Chinois disent que je n’ai pas de c*******, mais vous savez ce qu’on dit sur les Chinois … » et à propos de l’impératrice japonaise : « Quand on la voit, on est pour l’autorisation de la pêche au thon rouge ». Lors de ce voyage, Trump offre au Président Français un hélicoptère avec des pâles en ors (qui vole étonnamment bien). En échange, Alexandre Jardin lui offre une paire d’espadrilles citoyennes et à Melania Trump une montre citoyenne (Flik Flak). Les salutations sur le tarmac de l’aéroport JFK sont plutôt fraiches.

19 Octobre : Malgré les inaugurations d’entreponts successives du Président de la République, la crise politique enfle. Le groupe parlementaire des Zèbres connaît une fronde interne menée par Laetitia, Barbara et Vladimir, après la reprise des négociations pour le TIPP et les rumeurs de déréglementation du secteur de l’avoine. Laetitia entame une grève de la faim devant le Palais Bourbon, tandis que Barbara et Vladimir déploient une banderole « L’avoine ou la mort » dans l’hémicycle.

26 Octobre : Les appels à la démission du Premier Ministre se multiplient de tous les côtés. L’état de Laetitia est critique et elle refuse à présent d’être brossée. Le vote de défiance lancé par le Front National est évité de justesse grâce à Barbara qui souhaite rester fidèle à la discipline de parti. La DGSI exfiltre Laetitia dans la nuit et la place en soins renforcés à l’hôpital du Val-de-Grâce ; elle sort du coma deux jours après. Le Président réussit à calmer un peu la colère populaire en proposant à Laetitia un poste d’ambassadrice à l’UNESCO, mais ne peut éviter de soumettre la question de l’avoine à référendum.

7 Novembre : Hollande publie un livre-vérité sur son histoire avec Valérie Trierweiler, intitulé Elle sentait la tartiflette, dans lequel il explique qu’en fait, c’est une abjecte manipulatrice qui l’a séduit en l’emmenant chez Flam’s. Dans la foulée, Nicolas Sarkozy publie ses mémoires avec C’est comme que je l’avais dit (Folio Junior, 150 pages). L’armée est mobilisée pour assurer sa sécurité lors de sa séance de dédicaces au Vésinet, où l’attend une foule déchaînée de mises en pli.

3 Décembre : Le « Non » au référendum l’emporte à 59%, Jean Lassalle est poussé à la démission. Le nom de Laetitia circule pour le remplacer, mais suite à un bref mais violent mouvement de contestation mené par Éric Zemmour qui dénonce une « victoire du djihad intersectionnel », Alexandre Jardin est contraint d’abandonner l’idée. Il préfère nommer Tony qui, en étant resté neutre dans le débat, s’est forgé une image de « Bernard Cazeneuve des zèbres ». Il est à noter que comme Bernard Cazeneuve, Tony imite très bien Nicolas Sarkozy.

31 Décembre : Vœux du Président Jardin pour l’année 2018. C’est notamment l’occasion de s’expliquer sur la création à Juvisy-sur-Orge d’un « centre de rééducation citoyen » pour les « Dizeux » qui, de très loin, ressemble à un goulag, mais à un goulag citoyen. Il doit également répondre des accusations de Mediapart vis-à-vis de l’armée française, qui effectuerait des assassinats ciblés au Pakistan en larguant des briques de lait citoyennes sur des présumés terroristes. Le Président de la République annonce également son désir d’être couronné « Empereur-Citoyen » par le Pape François l’année suivante, pour son incroyable contribution à l’amélioration de l’humanité qui lui vaudra sans doute le Nobel de la Paix à l’automne suivant. Après tout, au point où on en est …

Scipion

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