Les éoliennes contre le FN

Capture d’écran par Les Inrocks de la conférence de présentation du collectif Nouvelle Écologie

L’écologie et le Front National, ça n’a jamais été une très grande histoire d’amour. Le 6 Janvier dernier encore, le site du FN Médoc (oui, ça existe) nous gratifiait sur son site d’une brève contre la construction d’un parc éolien sur la commune de Naujac-sur-mer, basée sur les conséquences écologiques (construction de centrales thermiques liées), le coût et la pollution visuelle. L’éolien n’est pas l’énergie renouvelable la moins contestée, principalement pour les dégâts occasionnés sur le paysage, des résistances à des projets éoliens ayant vu le jour partout en France. Il faut néanmoins savoir que l’installation d’éoliennes fait l’objet de nombreuses règlementations et études, comme le montre cet ensemble de cartes ayant servi à élaborer le schéma éolien de la région Aquitaine. Les sites sont donc choisis de telle sorte à maximiser d’un côté la production potentielle d’énergie (et de ce côté, la commune de Naujac satisfait aux exigences minimales) et à minimiser de l’autre côté les conséquences environnementales, la pollution visuelle étant par ailleurs très subjective mais préoccupant aussi davantage les citoyens (mais gageons que le Front National ne tombera jamais dans la démagogie la plus pure …). A l’argument expliquant que l’intermittence de la production éolienne nécessite la construction de centrales thermiques (ou hydroélectriques, NDLA) afin de répondre de manière réactive (contrairement aux centrales nucléaires) aux besoins énergétiques, nous pourrions répondre que la production éolienne, qui représente et représentera toujours une part faible de la production totale, peut être accumulée dans une certaine mesure afin de lisser la quantité envoyée dans le réseau de consommation et permet donc en moyenne de réduire la production des sources non renouvelables locales (comme la centrale du Blayais) sans ajouter de pollution. Ce qui est sûr, c’est que le débat sur les éoliennes mérite mieux que quelques arguments électoraux jetés en pâture aux électeurs concernés afin de transformer une thématique importante en une énième récrimination contre les élites (qu’on a pu retrouver au FN Lille ou encore au FN Vienne). A défaut de conduire un débat sur l’éolien que nous ne pourrions parfaitement diriger, nous préférons vous rediriger vers un wiki consacré ou la page EELV dédiée, qui ne sont garantis ni parfaitement exacts ni objectifs, mais qui ont le mérite d’être relativement complets, de ne pas réduire le débat à peau de chagrin et de citer des sources.

Ademe_NaujacLe Front National serait-il pour autant un parti anti-écologie ? Pas si l’on en croit, de prime abord, la création du Collectif Nouvelle Ecologie, antenne verte du FN crée le 10 Décembre dernier. Lancé en petites pompes, dans la droite lignée par exemple du Collectif Racine pour les enseignants frontistes, ce collectif a pour but de faire naître une écologie frontiste, concept surprenant s’il en est. Et ce n’est pas trop tôt, aurait-on envie d’ajouter. Fin 2014, soit 17 ans par exemple après le protocole de Kyoto, 42 ans après la parution du rapport Meadows (The limits to growth) qui donnait l’impulsion initiale à une écologie politique mondiale en étudiant les dangers écologiques de la croissance économique, celui qui se prétend premier parti de France en vient enfin à se préoccuper (réellement ou non) d’écologie, sujet pourtant majeur mais il est vrai peu vendeur. La page « Ecologie, sécurité alimentaire et industrielle, protection animale » du site du FN est réduite au « strict nécessaire » (encore moins longue que la seule page sur l’éolien d’EELV précédemment citée, même s’il est vrai que l’écologie est un peu son dada) et contient :

  • Des banalités affligeantes, bien qu’engageantes sur le plan du discours:

La préservation de la flore, de la faune et des paysages constitue un objectif au cœur de la vision de l’homme que nous défendons, c’est-à-dire un homme vivant en harmonie avec son environnement, maîtrisant les conséquences de son action sur la planète et sur son lieu de vie, respectant le patrimoine légué à travers les âges et tenant compte de la souffrance animale. […] Du fait de l’aggravation de la crise, les préoccupations des Français sont aujourd’hui d’abord tournées vers le court terme (baisse du pouvoir d’achat, hausse dramatique du chômage, dérive des finances publiques). Pourtant l’écologie, préoccupation de long terme par excellence, compte beaucoup pour nos concitoyens qui s’interrogent sur l’avenir de l’environnement que nous allons laisser à nos enfants.

  • Mais aussi des points intéressants :

En dehors de l’énergie hydraulique, les énergies dites « vertes » ne sont aujourd’hui pas réalistes en l’état : à titre d’exemple, pour produire l’électricité nécessaire à la France, il faudrait installer 275 000 éoliennes, ou 5 milliards de mètres carrés de panneaux photovoltaïques (un département moyen) […] Nous soutiendrons la recherche afin de faire de ces technologies un recours possible et viable dans le cadre d’utilisations locales (particuliers, communes ou entreprises). L’objectif est ici de couvrir à terme 10 à 15% de nos besoins énergétiques.Les recherches dans le domaine de l’hydrogène doivent être valorisées et nous soutiendrons le programme ITER à Cadarache.

  • Beaucoup de flous dans les propositions et dans leur réalisation, dont on ne trouve pas plus de détails dans le programme de Marine Le Pen de 2012:

Parce que le risque nucléaire ne peut pas être réduit à zéro, à long terme, il est souhaitable de pouvoir sortir du nucléaire. Avant d’atteindre cet horizon, le secteur nucléaire doit être très étroitement surveillé, ce qui nécessite une limitation maximale du recours à des sociétés privées dans l’exploitation et l’entretien des centrales, ainsi que des centres de traitement des déchets radioactifs. Comme indiqué ci-dessus, pour réduire la part du nucléaire, la recherche sera valorisée dans les énergies renouvelables et dans les nouvelles sources d’énergie que la science permettra de créer .

Mais bien vite, on retombe dans les travers frontistes, qui consistent à utiliser l’écologie afin de servir ses thèmes de prédilection, quasiment exclusifs dans leur discours, à savoir la critique de l’UMPS, de l’Union Européenne, de la mondialisation, de l’immigration, de l’Islam, de la destruction de la ruralité, etc. dont voici un petit florilège parmi les propositions frontistes :

  • Les protections raisonnées aux frontières nationales, via notamment des droits de douane ou des contingentements, seront déterminées non seulement selon le niveau de protection sociale des pays exportateurs, mais aussi selon la qualité écologique et de sécurité de leur production.
  • Une liberté d’appréciation [vis-à-vis de la sécurité alimentaire] devra aussi être protégée vis-à-vis des organismes européens et internationaux dont l’indépendance n’est pas toujours garantie.
  • La maîtrise des phénomènes migratoires, couplée à une politique ambitieuse de coopération avec les pays souffrant aujourd’hui d’une émigration massive, permettra de favoriser les perspectives de croissance et de développement harmonieux des zones de la planète aujourd’hui menacées par un saccage des ressources naturelles et l’anarchie qu’engendre les flux migratoires liés à la pauvreté
  • L’interdiction de l’abattage des animaux destinés à la consommation sans étourdissement préalable, qui s’impose pourtant à la France, sera respecté
  • Un programme décennal visera la destruction des cités construites dans les années 1960 les plus vétustes et leur remplacement par un habitat de taille et d’esthétique traditionnelles (sic)
  • Comment concevoir que des partis mondialistes (sic), farouchement favorables à la dérégulation de l’économie mondiale et à l’internationalisation des productions, puissent prétendre défendre une politique favorable à l’environnement ?
  • En trahissant ses promesses via un Grenelle de l’environnement avorté, Nicolas Sarkozy a fait perdre aux Français tout espoir de progrès écologique. Le monopole de fait que s’octroient les Verts en France depuis des années dévalorise l’enjeu écologique : l’écologie n’est pas un domaine à part qui ignorerait l’ensemble des domaines d’action de la politique (ce que n’ont jamais prétendu les Verts, NDLA).

Ce dernier exemple montre bien, en plus du hallal, des constructions pas très catholiques, des immigrés et de la libre-circulation, quelle est la cible du FN en matière d’écologie : les Verts, citoyens ou politiciens. Dans le fil d’actualité concernant l’écologie du site frontiste, qui comporte d’ailleurs moins d’une vingtaine d’articles en plus de trois ans, on peut constater des titres comme « Contre les écolos, pour la chasse au gibier d’eau » – pour un article dans lequel Gilbert Collard alerte Philippe Martin, alors Ministre de l’Ecologie, dans une prose très Chasse, pêche, nature et traditions – ou encore « Diesel : le pouvoir d’achat contre la secte verte » – pour un article dans lequel Marine Le Pen fait la guerre aux impôts, parce que taxer les activités polluantes, ça fait de la peine aux électeurs (et l’environnement, on s’en fiche). Les écologistes sont montrés comme des empêcheurs de tourner en rond, un peu gauchos, très portés sur les impôts et sur la décroissance. En plus d’utiliser comme à son habitude des termes absolument pas adaptés à la situation (on suppose que « secte » = « lobby »), Marine Le Pen tend à mettre en avant ou attaquer l’écologie selon ses besoins, lâchant le cas échéant une très vague proposition alternative pour faire bon genre et ne pas fâcher trop de monde (ou comment pousser l’électoralisme et la démagogie à leur paroxysme).

Pécresse écologie positive

Une autre vision efficace de l’écologie. Source: http://europeecologie94.canalblog.com/

Jusqu’ici le Front National n’a pas montré un grand intérêt dans l’écologie, pas du tout prioritaire auprès de son électorat. Pour aller plus loin que la critique mot-à-mot ou la dénonciation de saillies pseudo-patriotes ponctuelles, il faut faire remarquer que le parti manque tout simplement d’un véritable projet d’environnement et de développement durable cohérent, qui puisse nourrir les discours au lieu d’en vivre très maladroitement, car on peut en conclure d’après toutes les sources citées dans cet article que les dirigeants frontistes n’en ont strictement rien à faire de l’environnement. Mais puisque les temps changent, et qu’au FN, on retourne sa veste selon la météo aussi facilement qu’on pratique la mauvaise foi, peut-être y-a-t-il à espérer du côté du Collectif Nouvelle Ecologie. J’ai bien dit peut-être.

 Scipion

Le prochain article sera consacré au Collectif Nouvelle écologie. En attendant, voici un article à propos de la vision frontiste de l’écologie et du flou qui va avec, qui seront abordés prochainement.

Nous vous invitons également à aller consulter cet article sur la récupération de la thématique écologique dans le programme frontiste. A noter également que depuis, Philippe Murer a publié un très bref communiqué sur la question des gaz de schiste.

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