La série de l’été ep. 5 : les vacances de Sarkozy

Parce qu'on ne s'en lasse jamais

La fameuse photo retouchée des vacances de Nicolas Sarkozy – webazia.fr

Sa promesse de quitter la vie politique en cas de défaite sonnait faux et à peine avait-il quitté l’Élysée qu’on s’imaginait déjà son retour dans l’arène. Aujourd’hui, il est plus que jamais question du précédent Président de la République, pour certains celui qui a coulé la France, mais pour d’autres celui qui la sauvera. Personne ne l’imagine rester en retrait, il déclare pourtant faire mûrir sa décision. A quelques semaines de la rentrée, Démosthène 2012 s’est procuré le journal de bord de Nicolas Sarkozy pour vous raconter en exclusivité la journée où il a pris cette fameuse décision.

[NDLR: Il pourrait ne pas s’agir du vrai journal de Nicolas Sarkozy]

9h : Je traîne en pantoufles dans le salon. Hier, Devedjian m’a montré le sondage qui dit que 65% des Français ne veulent pas de mon retour, donc j’ai décidé de ne pas y aller. Carla m’amène de force au marché. On ne peut pas faire deux pas sans qu’une petite vieille ne s’évanouisse sous le coup de l’émotion. Même si elles portent un badge UMP, ça me met de la pommade au cœur. Je vais peut-être réfléchir encore un peu.

10h: Carla est persuadée que l’Élysée, c’est gagné. J’ai beau lui répéter que ma décision n’est pas prise, elle donne toujours du « Quand on y sera, etc ». Aujourd’hui, elle recommence avec ça pendant que je travaille ma défense dans l’affaire Bygmalion: « Quand on y sera, on pourrait prendre un précepteur pour Giulia, avec tout le travail que tu auras. Mais ce ne serait pas bon pour l’image, je vais plutôt arrêter les tournées pour m’en occuper ». J’ai bien entendu, « arrêter les tournées » ? Plus d’enregistrements interminables en studio où je dois tout le temps acquiescer béatement, plus de salles de concerts à bourrer avec des militants UMP (de toute façon, comme on n’en a plus beaucoup …), plus de sous-textes politiques vaseux ? Ce serait plus qu’un soulagement pour moi, c’est un cadeau que je fais à la France, voilà enfin le Devoir qui m’appelle sous sa forme la plus criante de vérité.

10h30: C’est décidé, j’y vais. Pour gagner du temps et organiser le parti, je compose mon gouvernement tout de suite: Besson à l’Intérieur, Ciotti à l’Immigration, Peltier à l’Identité nationale, Geoffroy Didier à la Laïcité chrétienne, Mariton à la Délinquance maghrébine, Hortefeux aux Quartiers sensiblement colorés, Estrosi à la Sécurité des personnes âgées et bien sûr les Roms pour Guéant. Après, pour les futilités type Économie, Finances, Écologie, on verra plus tard. J’ai bien envie de me prendre aussi la Justice, histoire de. Mais passons au Premier Ministre. Il ne reste pas grand monde: Baroin, qui distribue autant de bonheur autour de lui qu’un contrôle fiscal, Xavier Bertrand, aussi crédible qu’un manchot dans un concours de mimes, Woerth, dont le sourire inspire autant confiance qu’un Panzer en Alsace-Lorraine, Chatel, qui a le charisme d’un gratin dauphinois, Longuet, conservé dans le formol, Morano, qui a la délicatesse d’un déménageur de pianos, NKM, aussi proche des pauvres que Borloo des bouteilles d’Evian, Juppé, qui m’a poignardé, Rama Yade, qui m’a poignardé, Fillon, qui m’a tellement charcuté que je ressemble à un steak tartare, … Avec une telle bande de bras cassés, autant nommer directement le juge Gentil.

11h: Yves de Kerdrel, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles m’appelle paniqué: « Nicolas, la presse a découvert ta maison au Cap Nègre, ils vont tout sortir demain ! ». Je ne comprends pas, je ne vois pas où est le problème. « Ne fais pas l’idiot, tu sais très bien qu’elle a été payée avec l’argent pour renflouer Dexia. On va écrire un brûlot sur Manuel Valls pour faire diversion, mais il faut te préparer dès maintenant ».  Je raccroche, interloqué. Il est marrant, lui, mais je ne peux pas me rappeler de tout l’argent que j’ai détourné, je ne m’appelle pas Lavrilleux ! Mais il a raison, je dois préparer ma défense. Je pense jouer sur la corde du Français moyen, façon: « Qui n’a jamais détourné de l’argent public pour se construire une villa en bord de mer ? ».

11h10: Tout ce que j’écris sonne faux, ce n’est pas mon genre. Je me souviens des préceptes de Pasqua: ne jamais, jamais avouer. Je vais plutôt travailler mon air offusqué devant le miroir. Au bout de vingt minutes, Carla vient me soutenir (elle a quand même joué cinq minutes dans un Woody Allen). « Travaille ta surprise », « travaille ton exaspération », « ne fronce pas les sourcils », avec démonstrations à la clef. Je ne vois pas trop la différence entre chaque expression, mais je sens que cela m’aide. Après ça, Elkabbach va me filer un Molière.

12h15: Cela fait une heure que je grimace devant le miroir, il est l’heure d’un bon gueuleton. Je m’apprête à passer un coup de fil au patron de la Tour d’Argent, quand Carla m’appelle depuis le balcon. Une marée de journalistes m’attend en bas, cette bande d’opportunistes gauchistes ne va même pas attendre la sortie des gros titres. Cela veut dire que je dois faire profil bas, je dois avoir l’air du type qui s’est saigné aux trois veines pour payer sa modeste maison de campagne. On va plutôt aller voir du côté de chez Bébert.

12h30: Nous arrivons au restaurant et sommes bientôt rejoints par mon conseiller communication. On nous amène des menus crasseux : je penche pour la selle d’agneau avec une bouteille de Beaujolais, mais mon conseiller com’ me fait les gros yeux. Un steak-frites avec une bière, alors ? Re-gros yeux. Je me rabats sur la saucisse aux lentilles avec une bouteille d’eau du robinet. Je boude.

12h45: En attendant qu’on prenne notre commande, je veux engager la conversation sur la nouvelle affaire. Mon conseiller me montre d’un coup de menton les journalistes qui sont collés à la vitre. Il paraît qu’ils sont formés à lire sur les lèvres. Derrière nous est accroché un écureuil empaillé que je soupçonne de cacher un micro. Nous essayons les noms de code, mais entre « Flamby » et « Pingouin », on ne s’y retrouve pas. On essaie aussi les mimes, mais allez mimer un Flamby ! Finalement, nous trouvons la formule miracle en écrivant à tour de rôle sur mon menu.

13h10: Après avoir fini mes lentilles, je souhaite continuer la conversation, mais je constate qu’on nous a repris les menus. Je déboule paniqué dans les cuisines, inquiet qu’on puisse lire ma correspondance. Que vois-je ? Nicolas Demorand qui prend les jambes à son coude, un attaché-case sous le bras. Je le poursuis jusque dans l’arrière-cour, d’où il s’enfuit en scooter. J’enfourche un vélo trouvé par hasard et le prend en chasse. C’en est fini de lui, sur un vélo, je me transforme en fusée.

Avec un peu de chance, il ne s'arrêtera pas

Nicolas Sarkozy en vacances au Cap Nègre en 2011 (Maxppp)

13h15: De manière incompréhensible, il m’a distancé. J’aimerais bien savoir ce qu’il utilise comme essence. Dieu, si je suis vraiment le messie envoyé sur Terre pour sauver la France, viens-moi en aide !

13h20: Je retrouve Demorand arrêté par la police pour excès de vitesse. Merci, Dieu. Je récupère l’attaché-case et revient au restaurant avec un grand sourire aux lèvres.

13h30: A peine arrivé, Carla brandit mon menu en guise de victoire. Mais qu’a pris Demorand dans ce cas ? Je sors une sole meunière de sa sacoche. Je sais qu’il s’est fait dégager de Libération, mais en arriver là, ça fait peine à voir. Je jette le menu dans le four à pizza par mesure de sécurité.

13h35: Nous sommes toujours embêtés, car nous n’avons nulle part où écrire. Dans un éclair de génie, je commande des pâtes alphabet pour le bouillon de Carla. Le problème est réglé.

16h: Nous sortons enfin de Chez Bébert, car c’est long la communication par pâtes interposées. Mais c’est décidé, en sortant, je dois dire que ce n’est pas une affaire montée de toutes pièces par la conspiration gaucho-juridique qui m’empêchera d’accomplir mon devoir. Un micro de TF1 se tend: « Président Sarkozy, est-ce que cette nouvelle affaire compromet votre retour en politique ? ». Je répond : « Vous savez, j’aurais pu voler un milliard que ça ne m’empêcherait pas de dégager le Gros ». La prochaine fois, j’écrirai un truc à l’avance.

16h30: Nous allumons la télé pour savoir ce qui se dit sur BFM. Le déballage est total, on ne voit que des photos de moi au restaurant pour ce qui est qualifié d’orgie de plus de trois heures. Ils ont même fait les poubelles pour trouver les restes de mon repas. A côté de ça, l’Irak, Gaza, Ebola, ça passe pour des inondations dans la Creuse. J’arrête la télé sur l’image de Demorand arrêté pour mendicité dans le métro. Je ne sais plus quoi faire, il se pourrait que cette dernière affaire ait raison de moi. Je me résigne à consulter cette voyante dont Carla me parle depuis des mois.

17h15: J’arrive chez une vieille dame avec une grosse verrue sur le nez et une forte calvitie (la dame, pas moi). Je lui demande si je redeviendrai un jour Président de la République. Elle entre dans une sorte de transe, en bavant et en gigotant, et demande : « Esprits, Sarkozy sera-t-il de nouveau Président ? Un coup pour oui, deux coups pour non ». J’entends frapper deux coups. Cependant, j’ai des doutes. Mais elle continue: « Sarkozy doit-il s’exiler au Pérou en laissant une lettre innocentant Jean-François Copé ? ». Encore deux coups, cette fois plus hésitants. J’ai de gros doutes, il me semble que les coups viennent de dessous la table. Mais la voyante persiste: « Sarkozy doit-il donner son soutien inconditionnel à Jean-François Copé pour 2017 ? ». Encore deux coups. « Comment ça, non ?! », répond la voyante. Je soulève la nappe et découvre Fillon caché sous la table. A peine ai-je le temps de me relever que la voyante a filé, mais sa tonsure l’a trahi.

18h: J’ai épuisé toutes mes solutions. La prison m’apparaît à présent plus probable que l’Élysée. Il ne me reste plus qu’à appeler Chirac. Cela me fait mal, mais il n’y a que lui qui ait réussi à s’en sortir malgré toutes ses magouilles.

Si vous avez un secret à partager, dites-le à Bernadette

Nicolas Sarkozy et Bernadette Chirac © Eric Feferberg / AFP

18h20: Au bout d’un quart d’heure, Bernadette a enfin réussi à convaincre Chirac de me parler:

– Alors, Nicolas, on revient la queue basse ?

– Jacques, il faut que vous m’aidiez, vous seul pouvez m’éviter de finir ma vie à Fleury-Mérogis. (je lâche une larmichette pour l’attendrir)

– C’est bon, Nicolas. Je vais vous dire mon secret. Pour ne pas faire de la taule, il suffit d’avoir des pions jetables pour rassasier les juges, comme j’ai fait avec Juppé.

– Mais j’ai déjà tout épuisé: Woerth, Guéant, Copé, Lavrilleux, … Et personne ne croira que Guaino est assez futé pour avoir monté tout ça.

– Alors faites-vous élire et profitez de l’immunité présidentielle.

– Mais je ne peux pas, avec toutes ces affaires !

– Vous n’y mettez vraiment pas du vôtre ! (après une longue pause de réflexion) Tout compte fait, j’ai bien quelqu’un d’assez fidèle pour tomber à votre place, quelqu’un qui s’y connait en affaires, et vous me feriez même une faveur.

18h45: Le plan de Chirac m’a remonté à bloc: maintenant que Bernadette va tout endosser, je peux pleinement me consacrer à 2017. J’écris un discours qui restera dans les annabacs pour longtemps. Hollande, comme disait Johnny: « Avec le temps va, tu t’en vas ».

22h: J’ai fini mon discours, ce sera comme un « Je vous ai compris », mais adressé aux Français. Je consulte une dernière fois mes e-mails avant de me coucher. J’ai reçu un message du Secrétariat général de l’UMP. Apparemment, pour redorer l’image du parti, ils ont édité un calendrier à la manière des Dieux du stade, mais avec les responsables de l’UMP. Rien que la couverture avec Christian Jacob est une incitation à l’exil fiscal.

22h02: Je n’ai pas pu aller plus loin que Mai (Balladur). Je ne peux pas. Je ne peux tout simplement pas gagner une nouvelle présidentielle avec un tel ramassis de quiches. J’abandonne. A la rentrée, je pars vendre des dromadaires au Pérou. Jésus est mort le jour de sa crucifixion, mais moi, ça fait sept ans que je suis sur la croix.

Scipion

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